Carnet de Chine (2)

Publié le par comités 11

Dans la continuité de la rencontre de samedi soir avec le Directeur de l’Agence de l’Environnement j’ai pu ainsi débattre dimanche matin avec deux représentants d’ONG.

Il s’agissait de M. JUN Ma, ancien journaliste, grand spécialiste des pollutions de l’eau en Chine, fondateur d’un “Centre de Recherches pour l’Information des Citoyens sur l’Environnement”, qui sera présent à Paris à la conférence du GIEC fin janvier, et de M. PANG Cheung Sze, directeur de Greenpeace en Chine, à Pékin.

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Les bureaux de leurs deux ONG sont installés à Pékin depuis quelque temps, Pour influer sur les politiques publiques des autorités chinoises.

Si la Chine se préoccupe depuis quelques années des dégâts sur l’environnement causés par son développement accéléré, – les études de la Banque Mondiale ayant montré que les atteintes à l’environnement avaient un coût économique croissant, 8% du PNB en 1997 et jusqu’à 15% en 2003 selon l’Agence de l’Environnement SEPA - des progrès doivent être encore réalisés.

Face aux carences des pouvoirs locaux dans les provinces et à l’absence d’instance de contrôle efficace sur l’application des normes, les autorités ont été amenées à reconnaître le rôle crucial des ONG, leur accordant du même coup, pour celles qui traitent d’environnement, des marges de manœuvre pour leurs activités.

Cette tolérance étant néanmoins toujours fragile, j’ai instamment demandé à les rencontrer aussi bien pour leur témoigner de mon soutien appuyé que pour les écouter rendre compte des problèmes particulièrement aigüs et protéiformes de la Chine en la matière.

La préoccupation environnementale étant profondément liée à l’absence de transparence de l’information, notamment en matière de santé publique, à l’instar de ce qui se passe généralement lors des accidents industriels (je garde en mémoire l’épisode terrible de la pollution très grave de la rivière Songhua jusqu’au fleuve Amour à la fin de l’année 2005), la question du développement durable en Chine est profondément liée à la question des droits de l’Homme et de la démocratie. Le concept de défense des droits humains permet d’englober ces différents aspects.

Au sein de l’opinion publique chinoise, j’ai pu constater que la prise de conscience de l’impact grave de la croissance économique sur la dégradation de l’environnement et sur la santé de la population et des travailleurs chinois va croissant.

C’est l’une des explications au développement de près de 2700 ONG environnementales aujourd’hui en Chine, une autre explication étant l’aspiration du peuple chinois à prendre en main son avenir par la citoyenneté.

La France doit demeurer un repère incontournable des jeunes Chinois d’aujourd’hui. Et je souhaite que le chinois soit mieux enseigné en France.

Lors de toutes mes visites et rencontres, je garde constamment à l’esprit l’exigence de comprendre et d’agir ce qui, dans le monde globalisé d’aujourd’hui, peut permettre à la France de porter le flambeau de la modernité.

A titre d’exemple, mais d’exemple important, l’un des moyens de lutter contre les délocalisations est bien d’exiger que les normes environnementales soient appliquées partout dans le monde, sans avoir besoin pour cela d’attendre la création d’une future Organisation Mondiale de l’Environnement (dont je soutiens le principe) mais en s’appuyant sur principe de droit international pollueur-payeur, y compris aux multinationales.

Celles-ci s’autorisent en effet bien trop souvent à déroger aux normes environnementales et sociales dans les pays en développement, notamment en Chine, en tirant parti des carences dans l’application de ces législations.

Je mé félicite des contacts précieux et des informations inédites que j’ai pu obtenir sur ces sujets. Je suis la première responsable occidentale à demander des rencontres officielles pour aborder le développement de la Chine à l’aune du développement durable, qui est pourtant une question éminemment politique et géostratégique, mais qui aura aussi un impact marquant sur nos économies. C’est le symbole d’une nouvelle ère dans les relations internationales, en direction d’un ordre international juste.

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J’ai ensuite eu hier deux rencontres officielles avec deux hauts responsables du Parti Communiste Chinois, M. M WANG Jiarui, Directeur du Département international de liaison du PCC (de rang ministériel pour les questions internationales) et M. TANG Jiaxuan, “Conseiller d’Etat” chargé des relations internationales .

J’ai poursuivi sur la voie que je m’étais tracée : celle de la franchise et de l’opiniâtreté respectueuse. Mes entretiens ont donc été francs et précis.

Je souhaitais m’exprimer sur l’Europe et la Chine.

L’intérêt ici pour l’Europe est omniprésent : la vision géopolitique de la Chine repose sur un rôle déterminant de l’Union européenne dans la constitution d’un monde multipolaire.

Ma position sur l’Europe était de faire part de ma volonté que la France revienne à la table de l’Europe et que nos institutions soient réformées pour pouvoir fonctionner à 27.

J’ai choisi une approche globale sur les conséquences du développement économique de la Chine. Le développement de la Chine peut être un atout si nous oeuvrons à maîtriser les délocalisations dont notre économie est victime. Demain la visite au laboratoire de recherche de France Télécom me permettra d’apprécier comment une entreprise française gère son implantation en Chine.

Je suis fortement préoccupée par la question du déficit de la balance commerciale de 15 milliards au profit de la Chine sur la France. C’est un point d’achoppement incontournable, sur lequel il était nécessaire de se montrer clair et ferme auprès de mes interlocuteurs.

La prochaine Présidence devra travailler avec obstination afin de rétablir l’équilibre des échanges bilatéraux.

Nous avons échangé sur la nécessité pour la Chine de progresser dans l’application des normes sociales et environnementales, qui sont intrinsèquement liées à la question des droits de l’homme. Aujourd’hui les droits sociaux et environnementaux font partie des droits humains. Le 11 e Plan quinquennal chinois insiste sur le développement harmonieux, et ses orientations en direction de l’économie circulaire (que nous appelons en France l’écologie industrielle) et du “PIB Vert” méritent d’être encouragées.

L’articulation entre l’environnement et le développement économique, avec la participation des citoyens, qui est d’ailleurs entré dans une législation chinoise en 2004, porte en soi une exigence de transparence. Toute marche en avant sur les questions d’environnement est ainsi une marche en avant sur la démocratie car la préservation de l’environnement ne peut se faire sans information ou sans participation des citoyens.

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La question de l’Afrique, qui m’importe au plus haut point, a été soulevée à cette ocasion : j’ai rappelé que si l’on impose à l’Afrique notre mode de développement fondé sur la seule croissance du PIB, elle ne pourra sortir de l’impasse. Les pays industrialisés d’Europe et d’Asie doivent aussi intégrer les aspects environnementaux et sociaux au sein de toutes leurs politiques pour éviter de creuser le fossé avec les pays les plus pauvres. Le développement économique de la Chine est une bonne chose. Nous ne devons pas nous inquiéter qu’un continent, la Chine se développe, mais nous devons nous inquiéter qu’un continent, l’Afrique, ne se développe pas.

En ce qui concerne le chapitre économique, j’ai conclu en insistant sur le fait que les normes de droit international doivent être rapidement introduites dans le fonctionnement de l’économie chinoise : ainsi le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, qui était un préalable à l’adhésion de la Chine à l’OMC, a été signé mais n’est toujours pas ratifié.

Monsieur WANG Jiarui m’a alors répondu que l’Assemblée Nationale Populaire travaillait à sa ratification.

Nous avons évoqué le sujet extrêmement sensible de Taiwan : Pékin est l’unique interlocuteur officiel de la France. J’ai formé le souhait que la question puisse être traitée par le dialogue des deux côtés du détroit.

La question iranienne a été longuement discutée au cours des deux entretiens. La Chine a rappelé les positions qu’elle a prises à l’ONU contre la prolifération. J’ai exposé ma position qui est également guidée par l’exigence de non prolifération.


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